2 février 2016

The China Experience – 24/ The Lijiang Experience (Pt. 13)

Premier voyage en Chine, septembre-novembre 2002.

Décollage ici.
Expérience précédente : The Lijiang Experience (Pt. 12).


07 octobre 2002 – 02 novembre 2002 : The Lijiang Experience, Lijiang (Yunnan).

Treizième jour. Je dors dix-huit heures d'affilée et émerge à quinze heures. Mes espoirs de reprendre des horaires normaux tombent à l'eau mais je suis bien décidé à partir ce soir. Je fais mon sac et rends ma clé aux propriétaires de la guest-house, qui me lèguent de grands sourires en guise de cadeau d'adieu. Je dois d'abord consulter mes emails, afin de m'assurer que les questions financières qui me préoccupent seront réglées, et j'apprends avec soulagement qu'elles le seront.

Photo : Dr. Ma Pingke


Pas question, bien-sûr, de quitter Lijiang sans un dernier verre au Prague Café. Il est dix-sept heures, le bus part à dix-neuf heures trente, j'ai le temps… La serveuse, Yanli, me voit avec mon sac, s'enquiert de mon départ, commence à taper la converse. Il est vrai que je viens ici tous les jours et que nous ne nous sommes jamais vraiment parlés. Elle évoque l'épisode du chat, la veille : ma compassion pour ce pauvre animal l'a touchée. Elle me demande ce que j'écris ainsi chaque jour, si c'est un journal intime ou un travail littéraire. Je lui explique que c'est un peu des deux mais que, en effet, j'ai terminé mon premier roman sous ses yeux. Yanli est un peu plus jeune que moi, elle a les yeux rieurs et le visage ouvert. Depuis le premier jour, à vrai dire, je la trouve sympathique. Elle m'explique qu'elle est en fait la sœur de Jenny, la patronne des lieux, que j'avais aperçue les premiers jours. Lorsqu'elle a terminé ses études, ne sachant trop que faire, Yanli est venue travailler ici, et comme Jenny est en train d'ouvrir un second Prague Café à Kunming, elle s'occupe de l'affaire en son absence. Elle me demande où je vais. Je vais dans le Guizhou, découvrir les Miaos et les Dongs. Yanli sourit : elle a grandi dans le Guizhou. Ses parents s'y trouvent toujours, et la famille est en partie Miao par le grand-père. Ainsi donc je rencontre ma première Miao, c'est Yanli, et – je le découvrirai peu à peu – Yanli est un ange, un être fondamentalement bienveillant. Pas naïve pour un sou, juste bienveillante.

Ensuite arrive Woo Di, un grand Chinois l'air un peu geek, la trentaine. Il s'assoit à la table à côté, nous engageons la conversation. Il vient de Beijing, il travaille dans la finance. Nous parlons, lui, moi, Yanli… Le temps passe, et de seconde en seconde, mon envie de partir d'ici disparaît tout à fait… À dix-neuf heures, il est évident que je n'irai nulle part ce soir… Je demande à Yanli s'il reste un lit de disponible dans la guest-house attenante au café. Les lits sont tous disponibles : pour quelque raison, la police à temporairement retiré au café sa licence hôtelière. Mais je peux rester au tarif normal de dix yuans la nuit : en cas de contrôle, il suffira de dire que je suis un ami, un invité, et non un client. Je saute sur l'occasion. Si Lijiang est mon havre de paix dans le monde, le Prague Café est mon havre de paix à Lijiang.

Yanli me conduit à ma chambre : je dispose d'un dortoir de six lits pour moi tout seul. C'est très propre et très cosy, tout en boiseries et parquet. Les dortoirs se situent de l'autre côté de la petite cour intérieur qui se trouve derrière le bar. On trouve également dans cette cour les toilettes, la salle de bain et la cuisine. Mes seuls compagnons nocturnes seront les deux chiens et les deux chats du café, que je salue ça et là depuis deux semaines, sans m'être encore vraiment liés d'amitié avec eux. Et c'est ainsi, parce que j'ai voulu sauver un petit chat roux, que je me retrouve installé au Prague Café, bel et bien incapable de quitter Lijiang.

Woo Di part ensuite assister aux danses naxi. À son retour, notre échange se poursuit de plus belle. Nous buvons du vin du Yunnan, qui a le goût de Bordeaux. À vingt-trois heures quarante-et-un, je suis le dernier client du bar qui s'apprête à fermer. Yanli et l'autre serveuse font les comptes de la journée, Keith Jarrett berce nos oreilles, je suis légèrement ivre et je persiste à vouloir quitter Lijiang le lendemain, tout en songeant qu'il serait bien agréable de prolonger éternellement ce moment. À chaque voyage, arrive cet instant précis où toute la colère se dissipe, où l'on se sent tout à fait rempli et tout à fait libéré de ses peurs. Pour moi, ça sera ce soir-là. Je reste longtemps écrire dans la salle du café après la fermeture. Mais ce que j'écris, en ces instants précieux, n'appartient qu'à moi…


Prochaine expérience : The Lijiang Experience (Pt. 14).

1 commentaire:

Alain Nemo a dit…

Très précieuse et incontournable est cette expérience !

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